Sous les seins, les sous !
Le 14 mai dernier le New York Times publiait le commentaire d’Angelina Jolie sur sa récente opération des seins. Ayant découvert qu’elle était porteuse du gène BRCA1, elle s’était fait retirer, de façon préventive, les deux seins, et avait raconté à la presse qu’une double mastectomie prophylactique, suivie d’une reconstruction avec implants, était le seul choix responsable, que l’opération s’était très bien passée, et qu’elle souhaitait que son expérience profite aux autres femmes porteuses du gène. Toute la presse bien pensante a salué son courage.
Pour ma part, j’ai trouvé que l’article et la démarche manquaient singulièrement de rigueur scientifique. La phrase selon laquelle ses médecins ont estimé qu’elle courait un risque de 87% de développer un cancer du sein et de 50% celui de l’ovaire, mais que ce risque était différent selon le cas de chaque femme, contient en elle-même une contradiction, et ne signifie donc rien. Ce n’est pas une approche scientifique, ce n’est qu’un moyen de manipuler la peur pour pousser les femmes en bonne santé à avoir recours de plus en plus à la chirurgie.
Soit dit en passant, il est bon de rappeler que nous avons été confrontés, il y a quelques années, à un scandale concernant des implants mammaires dont la silicone induisait des cancers du sein. Je ne suis pas sûre que la pose d’implants cancérigènes chez des femmes ayant un terrain propice à développer ce type de cancer soit une si bonne idée. D’ailleurs nombreuses sont les femmes qui, à la suite de ce scandale sont retournées chez le chirurgien pour faire retirer leurs implants.
Toutefois, au 14 mai, j’avais choisi de ne pas apporter mon commentaire sur l’affaire, car j’avais l’intuition qu’il y avait dans cette affaire plus que l’émotion d’Angelina Jolie souhaitant partager avec le monde ses angoisses intimes.
Et j’avais raison ! Les seins de la belle actrice n’étaient en fait qu’un prétexte pour la société Myriad Genetics pour lancer à grand renfort de publicité médiatique un test de dépistage, appelé BRCAnalysis, dont le coût s’élèverait aux alentours de 3300 dollars. En effet, la société Myriad Genetics avait tranquillement breveté les gènes modifiés BRCA1 et BRCA2, et allait tirer profit de cette peur chez toutes les femmes d’être porteuses du gène modifié. Le brevet avait été rédigé de telle manière qu’il donnait à la société Myriad Genetics un monopole légal sur le dépistage des femmes partout dans le monde. Et dans le sillage de l’annonce d’Angelina Jolie informant qu’elle était porteuse du gène BRCA1, beaucoup de femmes étaient prêtes à effectuer le test. D’abord créer la peur, donc le besoin ; Ensuite vendre le test et les implants… Génial !
Mais les plans de Myriad Genetics ont été déjoué à la dernière minute quand la Cour suprême des Etats-Unis à Washinghton DC a statué le 13 Juin dernier qu’une entreprise ne peut pas breveter le génome humain, y compris des segments de gènes isolés. Avec cette décision Myriad Genetics a perdu son droit de monopole dans la réalisation et la commercialisation de ce test. En clair : d’autres sociétés pourront aussi dans l’avenir trouver un intérêt à attiser la peur des femmes pour les inviter à se faire tester, mais aucune société n’investira dans le marketing du test aussi largement que si elle était en situation de monopole.
Au milieu de ce tumulte, il est peut-être bon de rappeler que les travaux de Mirko Beljanski montrent précisément que notre environnement peut favoriser ou non l’expression de certains gènes. Choisir un environnement favorable, utiliser des produits avec un minimum de toxines, manger sainement et prendre quotidiennement des compléments alimentaires appropriés me semble une approche plus raisonnable que la méthode drastique qui consiste à tout couper…même si Brad Pitt était là pour me tenir la main durant toute l’opération !